La domination âgiste

Elle passe inaperçue en tant que telle, on n’en remarque que les «  abus  », mais les humain-e-s de moins de 18 ans, du fait de se voir accolé-e-s un statut de « mineur-e  », se trouvent pendant presque les deux premières décennies de leur vie totalement dépossédé-e-s de leur vie.

Leur vie entière est accaparée par la famille et par l’Etat, par l’école et par la société dans son ensemble. Les «  enfants  » sont sous totale tutelle. Même en écrivant 1984, Orwell n’avait pas osé imaginer pareille domination  :

Les «  enfants  » n’ont pas le droit de choisir librement avec qui elles/ils veulent vivre, ni même leurs ami-e-s, elles/ils ne peuvent pas recevoir du courrier sans contrôle familial (pas de possibilité de recevoir du courrier en poste restante sans autorisation…), elles/ils sont soumis-e-s «  pour leur bien  »  à une éducation qui se fixe comme objectif de les transformer en homme ou en femme adulte (il faut voir ce que sont un homme ou une femme adultes…), ce sont leurs parents ou l’Etat qui décident si elles/ils devront trimer à l’école ou non (l’école n’est pas obligatoire, mais ce ne sont pas les premier-e-s concerné-e-s qui décident…). Leur sexualité est réprimée dans un premier temps, puis salement contrôlée et culpabilisée pour être orientée vers l’hétérosexualité… On ne leur laisse aucune possibilité d’indépendance financière… ni affective, ni rien d’autre. Les «  enfants  » mineur-e-s sont dépossédé-e-s de leur vie.

Les fugitives/ifs sont pourchassé-e-s par la police, récupéré-e-s et relivré-e-s à leur famille ou à des foyers d’Etat, celles/ceux qui dépriment ou ratent leur suicide se retrouvent pieds et poings liés dans des unités psychiatriques etc.
Elles/ils n’ont aucun autre droit que celui d’être nourri-e-s et pas trop abîmé-e-s physiquement, d’être éduqué-e-s de force (en fait, il ne s’agit pas tant d’un droit, puisqu’elles/ils rentre à «  la maison  » avec leurs devoirs), et de survivre tant bien que mal physiquement et psychologiquement pendant les 18 premières années de leur vie à un tel régime. Ce régime est totalitaire et dictatorial. Aucun-e adulte n’est censé devoir vivre le dixième du non-droit imposé aux «  enfants  ».

Rien pourtant ne permet de légitimer l’imposition de ce statut de mineur-e. La protection de l’enfance  ? Qu’est-ce qu’une protection qui livre la personne protégée sans défense à ses persécutrices/persécuteurs  ? La quasi-totalité des «  abus  » sexuels, physiques et psychologiques sont commis par les «  protecteurs  », la famille en premier lieu.
Un exemple qui vient en contre-pied de cette hypocrite «  protection  »  : les insurgé-e-s zapatistes du sud-est mexicain permettent à tout-e- enfant, quel que soit son âge, de prendre par à la prise des décisions communautaires en assemblées, tant qu’elle/il ne s’est pas endormi-e pendant les discussions et a donc pu suivre les débats.

Le statut de «  mineur-e  », qui consacre l’appropriation des «  enfants  » par les adultes, est une invention occidentale récente, qui n’a pas plus de trois siècles. L’évolution sociale actuelle tend à la fois à en adoucir les formes (domination «  douce  »), et à la fois à le généraliser  : de plus en plus de «  majeur-e-s  » restent de plus en plus longtemps sous la dépendance de leurs parents et restent également marqué-e-s, dans leur relation à l’Etat, aux administrations, aux autorités, par le modèle familial.
Alors, faut-il abolir le statut de mineur-e, réclamer l’égalité pour les «  enfants  »  ?